Page 269 - La Bourgogne de Lamartine
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prix, sur le ressentiment des métayers et des journaliers des bocages de l’ouest contre les fermiers généraux comme sur celui des vignerons à part de fruits contre les propriétaires, et s’attirer un peu partout, par ses projets de crédit agricole à bon marché, la sympathie des petits paysans endettés.
À en juger par les résultats électoraux et par l’accord implicite dont ils témoignent entre les militants démocrates socialistes et la majorité des classes populaires, la Saône- et-Loire apparaît comme le type même du département « rouge ».
Le coup d’État n’y a provoqué cependant que des réactions faibles et aisément réprimées. L’événement est connu dans la journée du 3 décembre. À Chalon, citadelle démocrate socialiste, l’apposition des affiches officielles, rapidement suivie par la suspension du journal républicain modéré La Révolution de 1848 et par la dissolution du conseil municipal qui se préparait à protester, n’entraîne que quelques rassemblements bruyants vite dissipés par la troupe. Le lendemain, les principaux chefs montagnards qu’avaient rejoints les émissaires des campagnes sont tous arrêtés dans le café où ils avaient coutume de se rencontrer. À Tournus, les démocrates qui s’étaient emparés de la mairie et des armes de la garde nationale dans la soirée du 3 se dispersent dès le lendemain matin à l’arrivée des nouvelles de Paris. À Louhans, le 4, une manifestation devant la sous-préfecture tourne court. Quelques tentatives de marche sur les chefs- lieux (de Fontaines et de Chagny sur Chalon le 3, de Poisson sur Paray-le-Monial le 4, du haut Morvan sur Autun le 5, de Mont-Saint-Vincent sur Givry et de Martigny-le- Comte sur Charolles le 6) ne réunissent que des effectifs dérisoires (quelques dizaines d’hommes) : aucune d’entre elles n’atteint son but. C’est en Mâconnais que se produisent les événements les plus graves : partie le matin du 5 du bourg de Saint- Gengoux-le-National, une troupe d’environ 200 insurgés atteint Cluny où les républicains se rendent maîtres du pouvoir local. Renforcée d’environ 300 habitants de la petite ville et des environs, la colonne, dirigée par l’huissier révoqué Stanislas Dismier, passe la nuit à Saint-Sorlin (aujourd’hui La Roche-Vineuse) à environ dix kilomètres de Mâcon, et, le 6 au petit matin, s’avance vers le chef-lieu (où tous les “chefs socialistes” ont été appréhendés la veille au soir). À Charnay, elle se heurte à l’avant-garde d’un bataillon du 1er régiment du génie : un échange de coups de feu fait plusieurs morts parmi les insurgés, qui s’enfuient. L’ordre est alors partout rétabli.
Cette faible ampleur et cet échec rapide de la mobilisation républicaine tiennent évidemment en premier lieu à des causes générales que l’on retrouve dans la plupart des régions insurgées.
C’est d’abord l’esprit de décision dont ont fait preuve les autorités et certains « hommes d’ordre ». La vacance de la préfecture (entre le départ le 22 novembre de Pierre Le Roy, muté au ministère de l’Intérieur, et l’arrivée le 15 décembre de Gustave de Romand, retenu à Draguignan par les troubles du Var) et le chassé-croisé des sous- préfets (Chambaron quittant Chalon pour Blois le 5, Heulhard de Montigny Autun pour Chalon, puis Mâcon, Pougy Charolles pour Autun...) n’ont pas vraiment gêné l’action répressive, d’ailleurs prise en main par l’armée à partir du 5 avec la mise en état de siège du département. Les magistrats ont parfois donné de leur personne, tel le procureur de la République de Chalon, Morcrette, allant réprimer les troubles de
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