Page 76 - Histoire de Chalon-sur-Saône
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ÉCRIVAINS CHALONNAIS DU XVIE SIÈCLE
CLAUDE DE PONTOUX
Une rue, un village portent son nom. Mais connaît-on, même à Chalon, ce charmant poète, né vers 1540, mort en 1579 ?
Il est très représentatif de son siècle. Il a fait le voyage d’Italie, comme Du Bellay, Rabelais et Montaigne. Il a écrit trois cents sonnets, le genre poétique à la mode, venu d’Italie et lancé par Marot. Il a composé des vers de circonstance (par exemple sur Charles IX), des œuvres religieuses (telles les Figures du Nouveau Testament). Imitateur de Ronsard, il a chanté l’amour (outre ses sonnets, il a écrit une Gélodacrie amoureuse).
Cependant, son œuvre est originale. N’a-t-il pas composé une Élégie sur la mort d’un cochon ? Les sonnets eux-mêmes sont d’inspiration variée. On y trouve des satires (par exemple La vieille fardée), des confidences douloureuses, ainsi dans le très beau sonnet
“Je me repay du doux et de l’amer”
dont les derniers vers sont bien cruels : “Mais devant qu’il soit demain jour,
Je verrai ton corps en poussière”.
Ils illustrent le thème, cher au XVIe siècle, de la fuite du temps, thème qui inspire aussi le dernier vers (“Avec le temps, toute chose se change”) du sonnet qu’il a consacré à Chalon (“Mon doux pays, Chalon, ma belle ville”), qui évoque les regrets de Du Bellay et qu’il fait bon murmurer.
PONTUS DE TYARD
Le“grandhomme”duXVIe siècleàChalon,lepoètedelaPléiade,l’évêquehumaniste qui a donné son nom à un lycée, à une place et à une rue, c’est Pontus de Tyard (on a coutumed’écrire,conformémentàlagraphieduXIXe sièclequis’intéressaplusaugénéral qu’au poète, Thiard, mais on trouve à son époque plusieurs graphies, en particulier Tyard ou Thyard).
Il est né en 1521, de Jean de Tyard, lieutenant général au bailliage de Mâcon, et de Jeanne de Ganay, au château de Bissy-sur-Fley (près de Germagny, on peut voir la noble silhouette de l’édifice, même si l’ouvrage est, intérieurement, quelque peu dégradé). Bissy appartenait au bailliage de Mâcon et au diocèse de Chalon.
Étudiant à l’université de Paris, Pontus se lie avec Ronsard en 1537 (la Pléiade, groupe de sept poètes, sera constituée en 1551). Il dédie en 1541 à sa dame “Pasithée” (on a pu penser qu’il s’agissait de Louise Labé, la “belle Cordière”, mais ce serait plutôt Marguerite du Bourg) le premier livre de ses Erreurs amoureuses, son œuvre poétique essentielle. “Amour me fait vassal sous son empire” est le titre et le refrain d’un de ses textes les plus représentatifs. On peut citer également “Heureux le mois, heureuse la journée” écrit en l’honneur de sa dame par le poète “malheureux en (son) affliction”. Le ton s’élève dans les vers écrits sur la mort de la comtesse de Beine, où il loue la vertu :
“La parfaite vertu nous fait égaux aux dieux, Bienheureux immortels et citoyens des cieux”
et montre la mort libératrice, passage vers le ciel, comme l’avait dit Ronsard. Citons encore le très beau sonnet “Si c’est fidélité...”, dont Robert Sabatier fait l’éloge dans sa magistrale histoire de la poésie au XVIe : “Père du doux repos, Sommeil, père du Songe”, auquel il demande : “Viens abuser mon mal de quelque doux mensonge”. Il ne s’intéresse pas seulement aux abstractions. Comme Ronsard, il chante les roses. Il évoque même les “grenouilles de son isle” !
Il ne faudrait pas considérer Pontus de Tyard comme un poète désuet. C’est un moderne. En un siècle de violence, il est partisan de la paix. Il a un sens social aigu : il souffre de voir le peuple victime des guerres (on retrouvera cette même compassion au siècle suivant chez le Bourguignon Vauban). Il est, avant la lettre, œcuménique : au moment du massacre de la Saint-Barthélemy, il fait preuve d’une attitude tolérante et courageuse. Ce prêtre est un homme d’action. Nommé par Henri III évêque de Chalon en 1578, il sera l’année suivante député à l’assemblée du clergé à Melun, et en 1587 élu du clergé de Bourgogne aux États de la province. La Ligue a suscité des difficultés (allant jusqu’à faire détruire son château de Champforgeuil et sa célèbre bibliothèque) à ce prestigieux partisan d’Henri IV, qu’il accompagna en 1595 à son entrée à Dijon. Au
Photo. 3 – Pontus de Tyard, évêque de Chalon au XVIe siècle, 1577.
© SHAC, cliché Dominique Geoffroy
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