Page 178 - Histoire de Chalon-sur-Saône
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Successions imposables
1820-1821
1846-1847
1876-1877
1912-1913
Nombre
176
344
281
328
Valeur moyenne
11 149 F
21 894 F
22 776 F
32 647 F
Évolution en indice
100
196
204
293
Le mouvement constaté paraît bien se calquer sur la croissance économique de Chalon, avec le ralentissement caractéristique du troisième quart du siècle et la vive reprise qui le suit. Pas plus que sous la monarchie censitaire, il ne s’accompagne après 1848 d’un recul des inégalités : la proportion des successions non imposables ne baisse que très légèrement et reste voisine de 60 %. Et en 1912-1913, les 50 défunts les plus riches (moins de 6 % des décédés majeurs, 15 % des patrimoines imposables) détenaient 90 % de la fortune transmise : les six plus opulents d’entre eux, tous millionnaires, en possédaient à eux seuls 47 %...
Une classe dirigeante renouvelée
Comme dans la première moitié du siècle, le sommet de l’échelle sociale est occupé par les propriétaires et les négociants. Mais la distinction entre eux est de plus en plus fallacieuse, car ces deux milieux s’interpénètrent. Lorsque Joseph Auguste Gros, négociant et descendant d’une famille de marchands de fer établis à Chalon dès la fin du XVIIe siècle, meurt millionnaire en 1877, son gendre est « propriétaire » alors que son fils Charles Gros a repris son entreprise (il sera président de la Chambre de commerce de 1892 à 1905). Autre millionnaire décédée l’année précédente, Marie-Antoinette Méray, veuve d’un homme de loi, est née Coste et l’une de ses deux filles a épousé un « propriétaire » appartenant lui aussi à cette grande famille de négociants. Alors que la noblesse voit son importance relative diminuer devant la montée de la richesse bourgeoise, les industriels, longtemps relégués au second rang dans cette ville avant tout commerçante, prennent toute leur place dans la classe dirigeante : que l’on pense, par exemple, au rôle joué à la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle par des hommes tels que Gustave Pinette et Henri Aupècle.
La composition des grandes fortunes a elle aussi évolué conformément au modèle national. Certes, les biens immobiliers restent très présents dans la plupart des patrimoines : les domaines ruraux forment encore 36 % des biens transmis par les millionnaires décédés en 1912-1913, 16 % de ceux des défunts laissant au même moment de 50 000 F à un million (à quoi s’ajoutent, pour ces derniers, plus de 35 % en immeubles et fonds de commerce à Chalon). Mais de profonds changements interviennent dans la composition de la richesse mobilière, les créances commerciales et les prêts aux particuliers reculent devant les valeurs boursières. Celles-ci représentent ainsi plus de 44 % des fortunes de plus d’un million en 1912- 1913 (contre 6 % en 1876-1877) et comprennent désormais moins de titres à revenu fixe (16,4 %) que d’actions (27,6 %), alors que ces dernières étaient beaucoup plus rares par le passé : les valeurs étrangères, absentes précédemment, l’emportent assez largement sur les françaises (27 % contre 17). Dans le portefeuille des défunts moins opulents (de 50 000 F à un
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