Page 309 - La Bourgogne de Lamartine
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rien à perdre et qui demandent bouleversement et pillage (sic) [...]. Félicitez-vous de ne connaître ce parti que par les échantillons de votre département ; moi qui l’ai vu ailleurs à l’œuvre, je puis faire la différence et vous affirmer que les vôtres sont peu à craindre »1. Pour la même raison, Chaper ne croit pas en 1839 à la formation d’une coalition « carlo-républicaine » préconisée par Berryer : « Ces hommes simples et droits ne comprennent rien aux transactions qu’on leur propose... ; et leur conscience ne leur permettra jamais de s’associer à leurs ennemis mortels, aux Républicains, pour renverser un gouvernement qui leur donne la paix et la sécurité »2. Ce sont des conservateurs, non des activistes.
C’est dans ce décor qu’il convient de situer les Bretenières au temps du roi-citoyen. Le grand-père et le père d’Edmond apparaissent en effet comme des modérés. Le premier, Pierre Bernard Ranfer (de Montceau)3, conseiller-maître en la Chambre des comptes de Dijon, n’a pas émigré. Apparenté par sa femme à l’ancien constituant Nicolas Frochot, préfet de la Seine, il a accepté du Premier consul les fonctions de maire de Dijon, qu’il a exercées du 9 mai 1802 à sa mort le 26 janvier 18064. Son fils Simon (1766-1841) a fait carrière à travers tous les régimes : conseiller au Parlement, il a choisi l’exil après 1789 et a passé près de dix ans en Suisse et en Italie ; doué pour la peinture, il y a vécu en partie de la vente de ses tableaux et a même été professeur à l’Académie des arts de Florence. Radié en 1801 de la liste des émigrés grâce à l’intervention de Frochot et de son père5, il sert l’empereur comme conseiller à la Cour de Dijon à partir d’avril 1811. Maintenu dans cette charge par Louis XVIII, il signe le 23 mars 1815 une adresse à Napoléon de retour de l’île d’Elbe. La seconde Restauration ne lui en tient pas rigueur, puisqu’il devient premier président de la Cour royale le 14 août 1815, baron de Bretenières le 3 août 1822, conseiller d’État en service extraordinaire en 1827, conseiller général de la Côte-d’Or en août 1828. En septembre 1830, après quelques hésitations, il prête serment à Louis-Philippe et conserve ses fonctions de président jusqu’à sa retraite en 1839. Faut-il le taxer d’opportunisme ? Avec indulgence, Henri Chabeuf propose de voir en lui « le type de ces hommes d’opinion moyenne arrivés par le spectacle de tant de révolutions successives à une sorte de fatalisme lassé »6. Ancien noble de robe, haut magistrat, riche propriétaire terrien (il paie 2180 F de cens en 1831), ce représentant typique du « patriciat » dijonnais n’est pas, à coup sûr, un légitimiste « prononcé ».
Son fils Simon Eugène Marie Edmond, né à Dijon le 1er juin 1804 (sa mère, Céline Champion de Nansouty, était la fille d’un ancien conseiller au Parlement) a été l’élève du lycée impérial, puis collège royal de la ville. Il s’est inscrit ensuite à la faculté de droit. Il a appartenu, comme nombre de ses condisciples, à la Société des études, cercle de réflexion fondé par le noble franc-comtois Hugon d’Augicourt, où il a pu rencontrer des jeunes gens de son milieu comme Bénigne Étienne Legouz de Saint-Seine, mais
1. Lettre du 31 décembre 1834, ADCO, 2 J 3/565.
2. Lettre du 27 février 1839, ADCO, 2 J 5/271.
3. Aujourd’hui Montceau-Écharnant (canton de Bligny-sur-Ouche).
4. Anne-Marie PARIS, Grands notables du premier Empire, Côte-d’Or, Paris, CNRS Éditions, 1992, p. 141-142. 5. Ibid.
6. « Louis Bertrand et le romantisme à Dijon », Mémoires de l’Académie de Dijon, 1888, p. 314-316.
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