Page 238 - La Bourgogne de Lamartine
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docteur Jean-Baptiste Carteron, elle comprend une forte majorité de proches de Lamartine, dont Hippolyte Boussin, Bruys d’Ouilly, Foillard, Lacretelle et Ordinaire1. Elle remettra ses pouvoirs le 14 mars au commissaire du gouvernement, l’ex-député républicain chalonnais Charles Mathey. Le 12 mai, celui-ci nomme officiellement Jean- Baptiste Carteron maire de Mâcon en remplacement de Charles Rolland, élu représentant de Saône-et-Loire à la Constituante.
Le scrutin du 23 avril a été en effet dans le département un véritable triomphe (au moins en apparence) pour Lamartine et ses amis2. Le grand homme a obtenu 99,1 % des voix, réalisant même l’unanimité sur son nom dans 15 cantons sur 48. Sa performance devant le suffrage universel dépasse ainsi celle qu’il avait réalisée en 1846 dans l’électorat censitaire. Dans le processus complexe et parfois confus de désignation, par les comités et les congrès, des candidats aux quatorze sièges à pourvoir, Lamartine a été placé en tête de toutes les listes, suivi de quatre anciens députés de l’opposition de gauche (Mathieu, Mathey, le général Thiard, Augustin Lacroix), de Charles Rolland et de l’ingénieur creusotin Bourdon. Ces sept hommes ont eu le soutien de presque tous ceux qui étaient en mesure de diriger l’opinion et d’orienter les suffrages : la grande majorité des notables, le commissaire et les sous-commissaires, la plupart des maires et des fonctionnaires, les militants républicains « de la veille », organisés ou non en clubs, enfin l’ensemble des journaux, conservateurs comme Le Journal, Le Courrier (de Chalon) et Le National de Saône-et-Loire (d’Autun), républicains comme La Mouche, Le Patriote et bien entendu Le Bien Public. Politiquement et géographiquement, ce rassemblement va bien au-delà de ce qui était avant la révolution le « parti Lamartine », désormais inclus, en Saône-et-Loire et en France, dans un vaste courant qui l’absorbe et le dépasse.
Mais cette victoire est lourde d’équivoques, que décèle une analyse plus précise. Après les sept premiers élus (dont le dernier, Charles Rolland, frôle encore les 90 %) viennent deux autres républicains modérés, le docteur Pézerat et le juge de paix Petitjean (79,6 et 67,8 %), qui n’ont pas été retenus par certains comités, puis cinq démocrates « prononcés » (parmi lesquels Ledru-Rollin), dont les scores s’échelonnent de 63,8 à 51,2 % : ils ont été vivement combattus par les comités et journaux conservateurs. Les candidats soutenus par ceux-ci, et non élus, suivent d’assez loin, avec 35,3 à 24,2 %. Ainsi, tandis qu’une majorité voulait associer à Lamartine et à ses amis des « radicaux », d’autres ont préféré des « hommes du lendemain » ou des républicains plus rassurants pour l’ordre social. Ceux-ci ne l’ont emporté que dans trois régions : quelques cantons de l’Autunois (Autun, Couches et Épinac) solidement tenus en main par la noblesse et la bourgeoisie terrienne qui se reconnaissent en Édouard Carrelet de Loisy, l’un des candidats malheureux ; le Brionnais, pays de « chrétienté » où une forte influence du clergé est venue relayer celle des grands propriétaires ; et le Mâconnais (à l’exception du canton de Cluny, d’où est originaire un des démocrates,Amédée Bruys). Or Lamartine avait souhaité expressément l’élection de Ledru-Rollin (dont il jugeait le
1. W. FORTESCUE, op. cit., p. 165-166 et n. 70, p. 191 ; Annuaire de Saône-et-Loire, 1851, p. 443-444 (liste des membres de la commission).
2. P. LÉVÊQUE, 1993, « Lamartine devant le suffrage universel en Saône-et-Loire », Relire Lamartine aujourd’hui, Actes du colloque international de Mâcon, juin 1990, Paris.
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