Page 71 - Histoire de Chalon-sur-Saône
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PHILIBERT GUIDE
Philibert Guide est né le 22 mars 1535, probablement au 16 rue du Châtelet à Chalon, dans une riche famille acquise aux idées protestantes. Ses parents possèdent extra muros un grand domaine agricole, « La Colombière » (1). Alors que Philibert a douze ans, ce domaine est amputé pour permettre la construction de la nouvelle enceinte. Sa mère, Reine Rougeot, doit s’occuper seule de l’éducation de ses cinq enfants, car le père est mort en 1540.
Philibert sera procureur au bailliage de Chalon. Dans les années 1558 à 1562, c’est la guerre civile (2) : les Guide s’exilent. A 28 ans, Philibert épouse Étiennette Villemenot dont la famille possède la maison des Trois Greniers. Ils auront dix-sept enfants : trois seulement survivront. De la main de Philibert Guide, sur les pages de garde de son exemplaire de La Colombière et autres poèmes (3), on trouve la dramatique énumération des naissances et des décès.
Leur vie se partage entre Chalon et différents exils : Givry, La Rochepot, Pont-de-Vaux et Genève, où l’un des enfants, Paul, est baptisé par Théodore de Bèze. Dans les années 1570, Philibert Guide retrouve ses fonctions de procureur et écrit des poèmes qui seront publiés à Paris en 1583 (4). Alors que la famille est à nouveau en exil (à Pont-de-Vaux), Étiennette, enceinte, meurt accidentellement. Deux ans plus tard, Philibert Guide retourne à Genève où il se remarie à 58 ans avec une Genevoise, Antoinette Bruyette. De retour en Bourgogne après la trêve de Taisey, il meurt à Mâcon le 29 novembre 1595.
À cette époque de fanatisme souvent cruel, Philibert Guide, dont la devise est naturellement « Dieu pour guide », est un non-violent qui condamne les extrémistes. Il fait ainsi l’éloge de l’exil, apprentissage de la vraie sagesse :
« Je chante notre exil, non exil, le chemin
Où l’Éternel nous guide et mène à bonne fin... Fuyons doncques, amis, évitons le malheur
Qui bourrèle notre âme et nous gêne le cœur : Car à l’homme de bien tout pays est sa terre, Notre exil est en paix, nous délaissons la guerre... Fuyez doncques, fuyez les trop sanglantes mains De ces Tigres cruels, barbares inhumains... » (5)
(« L’ostracisme ou exil honorable ») Il déplore les guerres de religion :
« Ainsi l’État public par intestins discors
Se ruine et soudain s’engouffre en un naufrage... »
(« La Colombière »)
Dans le long poème « La Colombière et Maison Rustique », Guide apparaît comme un amoureux de la nature et de la vie champêtre. Il y vante les mérites des quatre saisons et de tous les mois de l’année. Chacun d’eux correspond à un âge de la vie : de mars (18 ans) à février (12 ans). Ainsi fait-il naître l’enfant en décembre et mourir le vieillard en janvier. Guide est aussi l’auteur de « Fables morales » dont plusieurs seront reprises par La Fontaine, par exemple : « D’un Loup, d’une Femme et son Enfant », « Du Renard et du Coq », « Du Renard et du Hérisson ».
Quant aux « Épithètes poétiques des arbres, plantes, herbes, animaux, pierres précieuses et métaux avec leurs propriétés », c’est un véritable... guide de naturaliste, puisque Guide y suit l’ordre alphabétique et indique, en une formule versifiée, leurs caractéristiques et leurs vertus réelles ou supposées (remèdes de bonne fâme ou de bonne femme ? ).
Terminons par cet acrostiche sur son nom :
« Pour bien trouver et suivre la vraie voie, Humble je viens à toi, ô Dieu des Dieux ! Ie sens déjà ta main qui me convoie Laisser le monde et son bien ennuyeux. Ie l’ai quitté et embrasse joyeux,
Bonté et paix qui suivent ta Justice :
Etant certain que si ton œil propice Redresser veut mon pied par trop glissant, Toujours serai ton fils obéissant.
Guide moi donc, car, sans ta main puissante, Uivre ne puis : mais icelle assistante, I’annoncerai par mes vers ton renom.
Donques ma Muse, entonnant ta chanson, Essuie les pleurs de ma prière ardente. » (6)
Gérard Delannoy
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