Page 191 - Histoire de Chalon-sur-Saône
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rôle de carrefour du trafic continental en période de guerre et de blocus. De cet essor bénéficient aussi les classes populaires : le travail ne manque pas pour les mariniers, les portefaix, les artisans et leurs compagnons, et de 1803 à 1810, le pain est à bon marché. Le général Thiard, ci-devant comte et ancien émigré devenu chambellan de l’empereur, exagère sans doute à peine lorsqu’il écrit que celui-ci « dans aucune ville ne fut reçu avec le même enthousiasme qu’à Chalon », où il a passé la nuit du 6 au 7 avril 1805 lors de son voyage à Milan. Pour la grande majorité de la bourgeoisie et du peuple, Napoléon est alors tout à la fois le vainqueur de l’Europe et l’homme qui a mis fin aux troubles de la Révolution tout en consolidant ses principales conquêtes.
Avec la crise économique de 1811-1812, puis les défaites de Russie et d’Allemagne, cette adhésion a certainement fléchi à Chalon comme ailleurs. Mais pas au point d’entraîner, comme dans la plus grande partie de la France, une passivité complète devant les événements de 1814 et 1815.
Invasions et restaurations
À l’approche des Autrichiens qui traversent la Bresse, la ville, à la différence de Dijon et de Mâcon, s’est mise en état de défense. Le 10 janvier 1814, des gardes nationaux et quelques soldats du 144e arrêtent l’ennemi devant Saint-Marcel. Le 23 janvier, commandés par le général Legrand de Mercey, ils aident les Tournusiens à reprendre Mâcon. Mais les renforts promis n’arrivent pas, les Autrichiens s’approchent par l’est et par le nord, le général Legrand se retire avec ses troupes au milieu de l’indignation du petit peuple qui voudrait se battre, et le 4 février, la ville doit capituler.
La première Restauration, d’abord bien accueillie parce qu’elle apporte la paix, ne tarde pas à susciter méfiances et oppositions. Certains de ses plus chauds partisans affichent ouvertement leur reconnaissance envers les occupants, « nos libérateurs, nos amis », selon le sous-préfet Lavaure : le 18 avril, les autorités locales participent à un banquet de fraternisation avec les officiers autrichiens, alors que le 25 le bataillon de la garde impériale se rendant à l’île d’Elbe est l’objet de manifestations de sympathie populaire. Après des promesses imprudentes de suppression, le rétablissement des droits sur les vins provoque de véritables émeutes les 4 et 16 août ; elles sont réprimées et la résistance cesse, mais le mécontentement demeure. Dans les milieux du négoce, on se prend à regretter la prospérité des belles années du Grand Empire. Le préfet Germain rapporte le 2 mars 1815 qu’un libelle vantant « les avantages du système continental [...] a été lu avidement par quelques commissionnaires de roulage et des commis voyageurs ». Patriotisme blessé, intérêts économiques lésés, inquiétude aussi pour les conquêtes sociales de la Révolution : autant de facteurs d’affaiblissement pour le nouveau régime.
Aussi le retour de Napoléon Ier en mars 1815 déchaîne-t-il l’enthousiasme d’une bonne partie des habitants de Chalon et des campagnes voisines. Le 12 mars au soir, ils démontent sans aucune opposition des gardes nationaux les canons et les caissons du parc d’artillerie à Saint-Cosme, pour les restituer à Napoléon le surlendemain lors de son entrée triomphale dans la ville, à laquelle il décernera la légion d’honneur à son arrivée à Paris pour
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